Tandis que Paris présentait sa cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques le 26 juillet dernier, j’ai assisté le même soir au spectacle éblouissant de la Cinéscenie au Puy du Fou, en Vendée. Deux visages de la France qui ont parlé aux mêmes heures, deux langages opposés, voire inversés.
D’un côté, une grande fête d’abord publicitaire, idéologique, politique et un peu sportive, suivie par des millions de téléspectateurs à travers le monde. De l’autre, la Cinéscénie du Puy du Fou, une fresque historique, qui conquiert 13'000 spectateurs de juin à septembre, deux soirs par semaine. Vendredi 26 juillet, j’ai vu la France se séparer en deux archers tirant chacun sa flèche dans une direction opposée, sur deux cibles qui, en apparence, se tournent le dos, mais qui pourraient bien être les deux faces de la même médaille. La soirée des JO nous a éblouis par la force de son éclairage. La représentation du Puy du Fou m’a éclairée par son intense Lumière. L’éclairage est artificiel, la Lumière vient de l’intérieur.
Je ne m’attarderai donc pas à commenter le fil rouge mortifère de cette cérémonie d’ouverture, déjà largement commentée par des dizaines de chroniqueurs. J’ai vu combien la violence des messages et de certaines mises en scène vulgaires et provocatrices avaient été habilement maquillée par l’envoûtement d’un gloubi-boulga d’effets spéciaux et de chorégraphies. J’y ai vu un « fous-y-tout » d’effets de mode de notre temps, où l’on balance dans le même saladier des représentants embarrassés de la Garde républicaine qui gesticulent aux côtés d’une star française de la chanson. Je n’aime pas perdre mon énergie à montrer la laideur et l’indignité. Mon métier est de valoriser la plus haute définition de soi, selon mes instruments de mesure, qui ne sont sans doute ni meilleurs, ni moins bons que d’autres.
En résumé, depuis mon angle d’observation, on a souillé la Sainte Cène du Christ et la puissance de l’œuvre de Léonard de Vinci avec des dandinages de femmes à barbe et des poitrails en silicone ; au lieu de promouvoir la culture, on a incité à l’échangisme dans le décor d’une bibliothèque ; on a glorifié la décapitation, le sang et le culte du Veau d’Or par un matérialisme vidé de toute verticalité. On a adulé la transe du « trans » et on a piétiné la délicatesse des vraies différences.
Le Puy du Fou : un spectacle qui accorde notre La intérieur
À l’inverse, en Vendée, des milliers de figurants bénévoles, appelés les Puyfolais, continuent à nous émerveiller devant les ruines du château du Puy du Fou. En 25 tableaux animés, le spectacle retrace l’histoire de la Vendée depuis le Moyen-Âge jusqu’au 20ème siècle, mêlée de mythes et de légendes. Créé il y a quarante ans par Philippe de Villiers, on revit le destin d’une famille vendéenne, les Maupillier et le quotidien des paysans et des nobles au Moyen-Âge, pendant et après la Révolution, puis pendant les deux guerres mondiales. La joie se mêle aux drames, les guerres succèdent aux bals. Le petit peuple de Vendée affronte les épreuves du temps, les famines, les colonnes infernales des armées républicaines, la révolution industrielle… "J'ai créé de la richesse sans capital » s’est réjoui un jour Philippe de Villiers. Il parle de cette richesse qui élève l’esprit des hommes en une coupe d’ambroisie où ils peuvent tremper leurs lèvres. Ce vin est fait de plusieurs cépages : la quête de liberté, le respect des lois de la nature, la beauté de l’Humanité, le panache et la vaillance à travers les grands événements de l’Histoire, à tous les étages de la société, que l’on soit aristocrate ou artisan, palefrenier ou grand argentier. Au Puy du Fou, ce qui est ressenti à travers l’engagement de 2.400 figurants bénévoles, c’est une présence indicible contagieuse ; une fraternité parmi les Puyfolais qui se transmet au public. Cela ne s’explique pas. On se sent un peu meilleur après le spectacle qu’avant. On repart grandi. On a envie d’embrasser la vie et de tendre la main à tout le monde. Ce qui est mis à l’honneur dans le déroulement des scènes festives ou de guerre, c’est la grandeur en soi, le pétrissage des émotions et des croyances pour changer notre plomb en or et nous affranchir des chaînes qui nous poussent à la guerre. Pour ceux qui ont pu l’entrevoir, derrière les projecteurs, les froufrous et les langues fourrées, la cérémonie des JO enchaîne l’humain à ce qui vibre de plus bas en lui. Au Puy du Fou, tout cherche, au contraire, à le libérer de ses entraves. C’est le choix de la liberté selon un référentiel universel : le décret divin en l’homme. Dans la mise en scène, l’instrument de mesure est l’harmonie, comme le nombre d’or en architecture. Douceur, humanité et harmonie dans les chorégraphies, les costumes, la prouesse des effets spéciaux et le dressage des animaux, la beauté du langage et de la musique classique, spécialement composée par le compositeur Nick Glennie-Smith.
De la victoire de la nation à la victoire personnelle
Chaque soir, la foule enthousiaste se lève unanimement pour applaudir une représentation qui unit et fédère de l’intérieur, qui nous redonne le goût de lever les yeux vers le Ciel pour guider nos pas sur la Terre. Le spectacle nous apprend entre les lignes à rejeter la tyrannie et l’orgueil d’un État, à refuser la guerre pour choisir simplement le bonheur de vivre en paix. Qu’importe ce qui se passe en coulisse, les alliances ou les divorces dans l’histoire du Puy du Fou autour de la personnalité de Philippe de Villiers. Ce que je vois, c’est que depuis 47 ans, le monde entier vient au Puy du Fou et en repart un peu plus aimant. Voire, enivré de joie et de magie. Car, comme l’a merveilleusement écrit Charles Baudelaire : « Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous ! Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l’horloge ; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise. »
C’est à bord de ma roulotte Mandoline, à quelques kilomètres du Puy du Fou, que j’écris ces lignes. Je suis entourée de beauté et de calme, entre l’étang, le ruisseau du merveilleux parc du Château de la Flocellière où la propriétaire a accueilli ma jolie roulotte pour en faire une chambre d’hôtes insolite. Ici, tout est inspirant et me ramène à cette vérité profonde : je pense qu’il existe en l’Homme un chablon céleste qu’il nous faut cultiver comme un jardin de roses. Quand leur parfum se dissipe pour ne laisser la place qu’à la puanteur, nous nous écartons du chemin qui nous conduit au royaume des cieux ici-bas. Chacun choisit librement la trame qui nourrit son existence et j’accepte ces hommes, ces femmes et les non-binaires qui préfèrent la confusion des genres et l’effacement des balises naturelles du Grand Ordre la Création. Ils sont peut-être les gardiens de la dualité, de la division et de la matrice dans le but de nous aider à nous déterminer à nous en extraire une bonne fois pour toute ! Peut-être nous incitent-ils ainsi, par le dégoût et la honte que nous refusons, à prendre le breuvage originel, celui de la Source des sources, avant même la manifestation du Bien et du Mal.
Notre destinée se construit avec les fils d’or, de coton, de lin ou de nylon que nous plaçons sur le grand métier à tisser de notre vie. Personnellement, à la carpette industrielle fabriquée par des machines ou des zombies qui se font passer pour des humains, je préfère la tapisserie d’Aubusson avec la sagesse et le savoir-faire de six siècles d’Histoire.
Isabelle Alexandrine Bourgeois Créatrice du média par souscription Planètevagabonde
Je n'ai vu ni la cérémonie d'ouverture des J.O., ni la Cinéscénie du Puy du Fou. Cependant, je sais que le 1er fait est un choix réfléchi car je n'ai plus du tout l'envie de m'abreuver de ces images surfaites, et tellement éloignées de l'idée que je me fais de la richesse humaine. Concernant le Puy du Fou par contre, j'ai toujours eu envie d'aller voir un jour ce spectacle qui, à chaque fois que j'en entends parler, m'inspire profondément. Et grâce à cet article, encore plus ! Merci pour ce partage, j'adhère totalement à cette vision des choses et cela fait du bien de voir que certains regards sur notre monde actuel peuvent encore être profondément subtils et humains.
Un détail: le « tableau » de l’ouverture des JO n’est pas « inspiré » de la Sainte-Cène.
Il s’agit de la théologie grecque et en particulier au mariage de Thétis et Pélée (les parents d’Achille), avec l’incarnation de Dionysos, le Dieu du vin, qui semblait avoir plus d’humour que certains catholiques d’aujourd’hui.